L’Union européenne continue son offensive contre les importations de voitures électriques fabriquées en Chine et largement subventionnées. De nouveaux « droits provisoires » s’appliqueront à partir du 5 juillet : ils vont de 17,4 à 37,6 % et sont un peu moins élevés que prévu. Les droits « définitifs » doivent être mis en place dans quatre mois maximum.
Il y a trois semaines, la Commission européenne dévoilait les droits d’importation qu’elle comptait appliquer aux fabricants chinois de voitures électriques. Le vieux continent reproche à la Chine plusieurs choses : prêts et crédits à des conditions préférentielles, réductions et exonérations d’impôts, de taxes, etc. Bref, des « subventions déloyales », face auxquelles la Commission a décidé de réagir.
Le 12 juin, elle présentait ses conclusions et les « droits compensateurs provisoires » qu’elle comptait mettre en place sur les importations de véhicules électriques à batterie provenant de Chine : 17,4 % pour BYD, 20 % pour Geely et jusqu’à 38,1 % pour SAIC (MG). Le taux de base était de 21 % pour les autres entreprises ayant coopéré durant l’enquête et de 38,1 % (c’est-à-dire le maximum) pour les autres.
La Commission laissait une porte entrouverte (avec peu d’espoir tout de même) : « Si les discussions avec les autorités chinoises ne devaient pas aboutir à une solution efficace, ces droits compensateurs provisoires seraient introduits à partir du 4 juillet par constitution d’une garantie (selon la forme qui sera décidée par les autorités douanières de chaque État membre). Ils ne seraient perçus que si des droits définitifs sont institués, et à ce moment-là uniquement ».
Durant les dernières semaines, « les consultations avec le gouvernement chinois se sont intensifiées […] à la suite d’un échange de vues entre le vice-président exécutif Valdis Dombrovskis et le ministre chinois du Commerce, Wang Wentao ». Les contacts « se poursuivent au niveau technique », précise la Commission.
De nouveaux taux, une variation de 0,5 point maximum
Le gouvernement chinois et les fabricants pouvaient en effet « présenter des observations sur l’exactitude des calculs ». Ce qu’ils ont fait. Lors de l’annonce de juin, Pékin avait d’ailleurs dénoncé « un comportement purement protectionniste », ajoutant que la Chine « prendra toutes les mesures pour défendre fermement ses droits légitimes ».
Mais la Commission est libre d’en tenir compte ou non suivant son appréciation de la situation. Les taux ont ainsi baissé, mais de quelques pouièmes seulement. La Commission motive ses calculs dans sa décision fleuve.
Quoi qu’il en soit, voici les nouveaux taux et les anciens entre parenthèses :
- BYD : 17,4 % (pas de changement)
- Geely : 19,9 % (au lieu de 20 %)
- SAIC : 37,6 % (au lieu de 38,1 %)
- Autres fabricants ayant coopéré : 20,8 % (au lieu de 21 %)
- Les autres fabricants : 37,6 % (au lieu de 38,1 %)
Droits « définitifs » dans quatre mois maximum
Pour rappel, « l’institution de mesures définitives doit avoir lieu au plus tard 4 mois après celle des droits provisoires », à savoir début novembre. L’enquête doit de toute façon être terminée au maximum 13 mois après son ouverture, le 4 octobre 2023.
« Ces droits provisoires s’appliqueront à partir du 5 juillet 2024, pour une durée maximale de quatre mois. Dans ce délai, une décision finale sur les droits définitifs doit être prise par un vote des États membres de l’UE », explique la Commission. Ces droits définitifs seront alors en place pour une période de cinq ans.
La Commission précise enfin que cette taxe concerne « les importations de véhicules électriques à batterie neufs principalement conçus pour le transport de neuf personnes ou moins, conducteur inclus, à l’exclusion des véhicules des catégories L6 et L7 au sens du règlement (UE) n°168/2013 (503) [les quadricycles, ndlr] et des motocycles ».
Plus de 200 pages d’explications
Dans le règlement d’exécution (2024/1866) du 3 juillet 2024 (pdf de 208 pages) « instituant un droit compensateur provisoire sur les importations de véhicules électriques à batterie neufs destinés au transport de personnes originaires de la République populaire de Chine », il est indiqué que « vingt-et-un producteurs-exportateurs ou groupes de producteurs-exportateurs […] ont fourni les informations demandées et ont accepté de figurer dans l’échantillon ».
Trois sociétés (BYD, Geely et SAIC) ont été retenues dans le cadre de l’échantillon provisoire. Elles « représentaient, en unités, 43 % de la production, 51 % des ventes intérieures et 39 % du volume total estimé des exportations de la RPC vers l’Union au cours de la période d’enquête ».
Le règlement d’exécution regorge de détails sur la procédure et les motivations de la décision de la Commission. Cette dernière affirme notamment qu’il « existe donc de nombreuses preuves documentaires attestant du soutien politique en faveur de l’accélération du développement de l’industrie des véhicules électriques à batterie ». Cette industrie est présentée comme « clé/stratégique » et avec « une importance capitale pour les pouvoirs publics chinois ».
Toujours selon la Commission, les pouvoirs publics chinois « interféraient avec le libre jeu des forces du marché dans le secteur des véhicules électriques à batterie, notamment en promouvant et en soutenant ce secteur par divers moyens et aux étapes clés de leur production et de leur vente ».
Près d’un demi-million d’exportations vers l’UE en trois ans
La Chine est un exportateur très important sur ce marché, notamment en Europe : « Selon les statistiques douanières officielles des autorités chinoises, au cours de la période d’enquête [du 1ᵉʳ octobre 2022 au 30 septembre 2023, ndlr], la Chine a exporté 1 471 136 véhicules électriques à batterie (soit une augmentation de 659 % par rapport à 2020) dont 486 550 ont été exportés vers l’Union, soit une augmentation de 1 343 % par rapport à 2020 ».
La part des exportations chinoises vers l’UE face aux autres pays est passée de 17,4 à 34,7 %. Les autres principales destinations sont le Royaume-Uni (10 %), la Thaïlande (9 %), les Philippines (7 %) et l’Australie (6 %).
La Chine a produit plus de 5 millions de voitures électriques en 2022
La production en Chine a également augmenté : « 5 836 000 véhicules électriques à batterie ont été produits en Chine, soit une hausse de 489 % par rapport aux 991 000 véhicules électriques à batterie produits en 2020 ».
14,6 % des voitures immatriculées en UE étaient électriques.
La Commission explique que, en 2023, « 1 538 621 véhicules électriques à batterie ont été immatriculés sur le marché de l’Union ». C’est le premier marché devant les États-Unis avec 1 118 286 véhicules en 2023. Le Royaume-Uni est à 314 684, la Corée du Sud à 156 767, la Norvège à 104 589 et les autres sous les 100 000.
La Norvège se distingue sur un point : 82,4 % des voitures particulières immatriculées étaient électriques en 2023. L’Europe est loin derrière avec 14,6 %.